L'imagination au service de l'écoute de Dieu
- obourgeois4
- il y a 5 jours
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours

l’imagination
au service de l’écoute de Dieu
Par nature, ma pensée est essentiellement ancrée dans la réalité, la logique.
Ma méditation était essentiellement « fonctionnelle », c’est-à-dire que mon rendez-vous était plus « avec la Parole de Dieu » qu’avec Dieu lui-même, même si cela débouchait réellement sur ma relation avec Dieu.
Tardivement, avec la découverte des méditations d’écoute, (oraison ignatienne, Lectio Divina), mon rendez-vous est devenu plus « relationnel », c’est-à-dire un rendez-vous avec le Dieu de la Parole. Cela débouche aussi sur l’étude de la Parole.
L’idéal c’est d’avoir les deux, une méditation « textuelle », (fonctionnelle) et une méditation d’écoute (relationnelle).
Il reste en effet fondamental de garder une approche textuelle, exégétique des Écritures pour saisir le sens premier du texte par loyauté envers l’intention de l’auteur humain et de Dieu l’auteur divin qui a inspiré cette Parole.
Mais la méditation relationnelle (d’écoute) est aussi une approche voulue de Dieu, certes, plus voilée.
Jésus n’a-t-il pas stupéfié les sadducéens par sa réponse sur la résurrection en Mat 28 :32 qu’aucun docteur de la loi n’aurait pu imaginer sur un plan exégétique ? Et pourtant !
La méditation « relationnelle » m’a fait retrouver durablement « le premier amour » et a approfondi fortement mon attachement à Dieu.
C’est pour cela que nous croyons à l’utilité « de nos retraites spirituelles » qui aident dans l’appropriation de cet « outil » sachant que l’essentiel de notre vie chrétienne doit être tourné vers l’amour envers Dieu, vers une adoration réelle, « en Esprit et en vérité ».
Même si la louange contribue à l’adoration, elle n’est pas l’adoration à elle seule.
Toute notre vie de piété joue un rôle dans l’adoration (He 12 :28).
L’imagination est une composante importante dans l’apprentissage des « méditations relationnelles »
C’est le but de cet article, écrit afin de mieux saisir cet aspect dont on est souvent trop peu conscient, donc insuffisamment utilisé.
=> L’imagination, une faculté humaine et spirituelle
L’imagination naît de notre réalité, de notre mémoire, de ce que nous avons vu, senti, vécu.
Elle explore, tisse, assemble souvent à notre insu des images mentales, des idées nouvelles, des mondes intérieurs.
Elle est l’un des deux pôles principaux de notre pensée :
D’un côté, l’accommodation au réel, la logique, la rationalité ;
De l’autre, l’ouverture à l’invisible, à l’inconnu : l’imagination.
Dans notre quotidien, elle œuvre sans bruit, présente dans nos souvenirs, nos projections, nos rêves éveillés.
Elle n’est pas une ennemie de la raison, mais un complément précieux.
Encore faut-il qu’elle reste ancrée dans la vérité, orientée, éclairée, maîtrisée.
Sans quoi, elle peut devenir mensongère, source de confusion, nourrissant fantasmes, illusions ou théories délirantes.
Notre monde moderne sollicite fortement ce pôle imaginatif : cinéma, séries, jeux immersifs, réalité virtuelle, réseaux sociaux... L’imaginaire est omniprésent, parfois manipulateur.
Mais, fondamentalement, cette capacité est un don de Dieu.
Elle permet à l’homme d’inventer, de créer, de se dépasser.
Quelqu’un de créatif sera quelqu’un qui entrevoit des choses (imagination) et en perçoit les possibilités d’utilisation.
Mais dans le domaine spirituel, il faut que les projets naissent et se développent non par une volonté « charnelle » mais dans la foi qui veut dépendre du Seigneur pour ne rien faire sans lui.
Dieu s’adresse lui-même à notre imagination : les prophètes parlent en images, Jésus enseigne en paraboles, en symboles tirés de la nature.
Saint Augustin disait :
« Jésus s’est servi des choses visibles pour conduire notre foi vers des réalités invisibles. »
La Bible est pleine de figures, d’archétypes, de typologies. L’imagination est donc un instrument voulu par Dieu pour révéler l’invisible.
=> Dans les méditations d’écoute, l’imagination est un outil précieux
Dans les Exercices spirituels, Ignace de Loyola nous invite à la contemplation du texte – c’est-à-dire à entrer dans une scène biblique avec tous nos sens, à l’habiter, à la « voir », à la « sentir », à la « goûter ».
Ce n’est pas un jeu de l’esprit : c’est une rencontre, une disponibilité à laisser l’Esprit nous enseigner au-delà des mots.
L’imagination devient alors un pont entre la Parole et notre cœur.
Elle donne chair au texte.
Elle rend tangible l’enseignement spirituel.
Elle rend possible une intériorisation profonde, une connaissance par révélation dans nos cœurs.
Elle peut nous entrainer bien au-delà du texte, l’Esprit agissant dans nos pensées pour nous conduire par des chemins mystérieux à des éléments précis dont nous avons besoin.
Ainsi nous avons parfois des réponses à des « demandes de grâces » (voir article du blog) à partir d’un texte inapproprié en apparence. C’est là que l’amour de la vérité, l’apprentissage du discernement va nous aider à reconnaître une réponse du Seigneur ou pas.
Toujours être dans la prudence et l’examen.
Prenons un exemple :
=> Exemple : Lire Jean 8, 1-11 – Jésus et la femme adultère
Imaginons.
1) « Contemplation du texte »
Dans la réalité d’une méditation, la contemplation du texte se fait en se laissant imprégner par le texte, en observant attentivement les détails, l’ambiance, le paysage, les mouvements sans forcément y mettre des mots, comme un témoin oculaire qui serait présent.
Mais pour l’exemple, mettons des mots pour nous aider.
Le soleil se lève doucement sur le mont des Oliviers.
L’air est encore frais.
Jésus descend vers le Temple. Il s’assoit.
Les gens s’approchent, une foule qui grossit lentement. Les voix se taisent.
Il enseigne.
Soudain, une agitation.
Des hommes en robe sombre, visages fermés, arrivent.
Ils traînent une femme.
Elle est hagarde, humiliée, en pleurs, sans doute à peine vêtue.
On devine la violence de l’arrestation. L’homme, lui, n’est pas là.
Délibérément écarté ?
C’est un piège tendu à Jésus.
On la place au centre. Non pas debout. À terre.
Elle tremble. Elle sait ce que dit la Loi.
Elle sait ce qu’implique le mot « flagrant délit ».
Elle pense qu’elle va mourir.
Des pierres sont peut-être déjà dans certaines mains.
La tension monte.
Le silence se fait, pesant.
Un des scribes prend la parole :
« Moïse nous ordonne de lapider de telles femmes. Et toi, que dis-tu ? »
Le piège est parfait. Quelques petits sourires narquois !
Mais Jésus ne répond pas. Il s’abaisse. Il écrit sur le sol. Il se tait. Geste inattendu. Non-violence active.
Il refuse le terrain qu’on lui impose.
Puis il se redresse, les regarde, et prononce une seule phrase, « comme venue du Ciel » :
« Que celui d’entre vous qui est sans péché jette la première pierre. »
Probablement la seule phrase pouvant peut-être sauver cette femme.
Elle échappera de justesse à la mort.
L’Esprit de Dieu contrôle ses instants agissant dans les consciences et ne permettant pas que la situation dérape.
Divine sagesse et discernement du Fils de Dieu !
Et il se penche de nouveau, écrit encore. Le temps passe. Long. Très long peut-être. Une demi-heure ? Une heure ?
Les plus âgés partent d’abord. Puis les autres.
Les regards se baissent. Les mains se vident.
La foule part aussi progressivement.
Il ne reste que Jésus. Et la femme.
Regard. Silence. Tête baissée.
« Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? »« Personne ne m’a condamnée, Seigneur. »« Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et ne pèche plus. »
Dans cette contemplation, l’imagination a permis non seulement de « lire » mais de vivre, de ressentir, de comprendre autrement.
La lenteur de la scène, par exemple, ne m’était jamais apparue ainsi.
Le contrôle de la situation « in extrémis » non plus.
Cette lenteur et ce contrôle me parle intérieurement sans que je puisse savoir encore pourquoi mais tout à l’heure, dans mon « colloque » avec le Seigneur, ce moment où je parle au Seigneur de ce que j’ai reçu, j’essaierai de le trouver avec son aide, en restant réceptif dans la prière.
(pas l’objet de cet article, vous n’aurez pas la solution)
Le silence de Jésus devient enseignement. Sa gestuelle, sa parole pesée, sa manière de ne pas répondre tout de suite, m’ouvrent à des clés spirituelles profondes.
2) Aspect imaginatif dans ce qui me rejoint.
Plutôt que d’analyser les applications générales qui sautent aux yeux, (exemple : ne pas juger, « ne pas jeter la pierre », ne pas être hypocrite, savoir s’examiner soi-même etc), on va prier (dans les méditations d’écoute, on prie sans cesse) pour demander : « et moi ? que veux-tu me dire Seigneur de précis peut-être ? »
Dans une attitude de réceptivité, je vais avoir des pensées qui vont surgir, que je vais accueillir en laissant mon imagination et ma réflexion se manifester.
Je suis, ne l’oublions pas, « en état de prière ».
Prenons un exemple fictif s’éloignant du texte en apparence, dans le fait d’être rejoint pour mieux comprendre :
Je ressens que je me lapide moi-même. J’ai souvent une « pierre à la main » parce qu’au fond je garde en moi un aspect « légaliste » à cause de péchés qui reviennent en moi, comme la colère, ou des paroles mauvaises qui m’affligent et j’en oublie la grâce sans m’en apercevoir.
Je suis attristé, avec un sentiment de jugement voir de rejet de la part du Seigneur.
En méditant, je ressens « cette désolation » mais la « consolation » arrive dans mon cœur quand je contemple la façon dont Jésus a réagi.
Il ne me condamne pas. Il est bienveillant même s’il m’exhorte à ne plus pécher.
Il vient de m’éclairer. « Ma météo intérieure » vient de changer.
Mon cœur est dans la joie désormais, je me remémore la marche chrétienne dans « la grâce » et m’encourage moi-même à progresser dans mes faiblesses mais en m’appuyant davantage sur lui, ne me sentant pas rejeté, mais en sachant vivre 1 Jean 1 :9, « la purification permanente » en me repentant vite, et me relevant aussitôt ou presque, me sachant pardonné, me permettant ainsi de rester dans la communion, dans la lumière.
Je sais que je serai toujours décevant car le péché habite en moi mais l’Esprit aussi habite en moi et il me faut vivre par la grâce pour marcher selon l’Esprit.
L’exemple ici rejoint « par l’imagination » quelque chose de concret qui a du lien avec le texte même s’il s’en éloigne.
Si j’examine, je vois que le Seigneur a probablement parlé à mon cœur, surtout en voyant les effets produits lors de cette méditation.
Mais parfois, (et je ne prendrai pas d’exemple fictif pour éviter de me faire lapider,) on peut être entrainé encore plus loin, avec peu ou plus du tout de lien direct avec le texte.
Je sais que le Seigneur parfois m’amène à prendre des décisions en méditant à travers de textes n’ayant aucun rapport avec le sujet de ma décision. Seul celui qui reçoit peut comprendre .
Conclusion
Dans une méditation d’écoute, l’imagination n’est pas un décor.
Elle est une ouverture. Elle nous rend présents à la scène, aux personnages, à nous-mêmes.
Elle nous aide à goûter, à sentir, à voir de l’intérieur ce que la seule lecture ne suffit pas toujours à capter.
Elle ouvre le cœur à l’Esprit.
Elle permet à la Parole de nous façonner de l’intérieur, pas seulement comme un enseignement abstrait, mais comme une rencontre.
En laissant notre imagination contempler la Parole, nous ne faisons pas « semblant » d’y être : nous acceptons l’invitation de Dieu à habiter l’Évangile, à marcher avec Lui, à être un disciple de plus dans les pages de l’Écriture.
C’est comme si j’avais été là, une personne de la foule ayant assisté à cette scène.
Nous sommes « impressionnés » en tant que témoin de la scène.
C’est là toute la grâce de l’imagination : non pas fuir le réel, mais entrer dans le réel avec un cœur éveillé.
Le but, in fine, sera de nous conduire à « l’adoration », vers un attachement de plus en plus grand, celui du disciple qui accompagne son maître, le voit parler et agir.
« Et toi, que vois-tu ? » (sous le regard du Seigneur)